"Tout est à réformer et à transformer mais tout a commencé sans qu’on le sache encore. Des myriades d’initiatives fleurissent un peu partout sur la planète. Certes elles sont souvent ignorées mais chacune, sur sa voie, apporte reliance et conscience". Edgar Morin, La Voie, Editions Fayard.

 

L’ESS et la crise

En cette période de crises financière, économique, sociale, écologique, de l’aspiration démocratique, l’ESS est porteuse de nombreuses expérimentations significatives, qui montrent qu’il est possible de faire autrement, de manière viable sur le plan économique, tout en respectant l’humain (producteur, consommateur, usager, citoyen), l’environnement et la dynamique des territoires « ici et là-bas ». Face à une concurrence sans limites et exacerbée ces dernières années, entre individus, entreprises, territoires et Etats, la coopération territoriale doit s’affirmer comme un mode de réappropriation de l’économie réelle et de régulation pertinent, et prendre toute sa place dans les politiques publiques.

Définitions

  • Le concept d’économie sociale et solidaire (ESS) a été porté dans le débat politique par les écologistes. Au-delà de chercheurs écolos reconnus sur le sujet comme Alain Lipietz qui parle de Tiers-Secteur, deux moments clés dans l’intégration politique plus forte de l’ESS, 2000 avec la nomination de Guy Hascoët comme secrétaire d’état à l’économie solidaire du gouvernement Jospin et les élections municipales de 2001, gagnées largement par la gauche et les écologistes avec plus de 350 élus à l’ESS dans les communes de France (surtout grandes et moyennes) dont ¾ d’écologistes. Plus récemment, en 2004 puis en 2010 lors des élections régionales, l’ESS fait une percée dans les régions avec une quinzaine de vice-présidences ou délégations à l’ESS.

  • L’histoire : l’ESS est issue de deux traditions, le mouvement ouvrier et l'économie sociale (mutuelles, coopératives, associations), et constitue une économie de proximité en expansion, dont les emplois ont l’avantage de ne pouvoir être délocalisés.

  • L’ESS décrit d’abord des pans de l'activité économique qui ne dépendent ni du marché, ni du service public : typiquement, les services à la personne, l’insertion par l’économique, les loisirs et l’éducation populaire… MAIS attention à la confusion : l’ESS ne se résume pas à une économie marginale de traitement de problématiques sociales, une économie de réparation venant simplement compenser les méfaits d’une économie traditionnelle dominante qui, elle, ne serait jamais remis en cause / ses finalités et objectifs. Elle réinterroge aujourd’hui profondément notre modèle de développement.

  • Activités concernées : à 72 % dans l’action sociale (6 salariés sur 10 en France), les activités financières et d’assurance (1 salarié sur 10 en France), l’enseignement et la santé.

  • Activités emblématiques : logement des exclus, éducation populaire, services de proximité aux personnes, protection de l’environnement, recyclage, développement des énergies renouvelables, commerce équitable…

  • Un « tiers secteur » ? Après le premier secteur, capitaliste, et le deuxième secteur, public, le « troisième » secteur… une notion insatisfaisante. L’ESS, façon d’« entreprendre autrement », remet également en cause les modèles traditionnels de l’économie et de la richesse, et se préoccupe de développement humain au sens large.

    Indignation : que l’économie sociale et solidaire existe ! L’économie devrait être par la nature même de ses objectifs et finalité sociale et solidaire.

    Espoir : L’ESS est un vivier d’initiatives pour résister à un modèle dominant qui ne considère plus l’Homme et la nature au cœur même de l’économie. Avec la crise de 2008, elle n’est plus seulement une manière de résister mais une alternative au modèle de développement.

  • Contre les schémas classiques. L’ESS questionne la nature et l’objet du développement économique. L’ESS pose la question de la « profitabilité », de la répartition des fruits de l’activité, en conjuguant trois vocations : l’intérêt général, avec des activités à utilité sociale et collective ; l’insertion des personnes, dans une logique de solidarité ; et enfin l’objet marchand, qui questionne les notions de productivité et de rentabilité et bien sur leur finalité ou « comment mesurer autrement l’efficacité, l’efficience et la richesse ? »
    Référence : Reconsidérer la richesse, rapport réalisé par Patrick Viveret en 2002 à la demande de Guy Hascoët, secrétaire d’État à l’économie solidaire.

  •  Le concept d’« économie verte », ou vers la conversion écologique de l’économie

Au cœur de la transformation écologique et sociale de l’économie, il y a l’articulation entre l’économie solidaire et l’économie verte. Il s’agit de promouvoir un modèle de développement économique plus sobre, plus local, plus régulé, moins inégalitaire et qui permette de travailler mieux, de travailler moins et de travailler tous. Pour cela, il faut engager la transformation des modes de production et de consommation à partir de :

- une économie plus sobre : contribution climat-énergie, plan Marshall de rénovation énergétique du bâti.

- une économie plus locale : relocaliser l’économie par le développement des emplois verts. Cette conversion écologique crée ou transforme notamment de l’emploi industriel (Chiffres Etude Syndex Alpha mai 2010)

  • Energies renouvelables
    +15 à 20 000 emplois à horizon 2020

  • Equipements de chauffage
    + 24 000 emplois à horizon 2020

  • Industrie électromécanique
    + 400 000 emplois à horizon 2020 (Réseaux électriques intelligents, réseaux d’alimentation des véhicules électriques, compteurs intelligents, …)

  • Equipements et infrastructures ferroviaires
    + 31 000 emplois à horizon 2020

 

4 raisons pour lesquelles les politiques environnementales créent de l’emploi :

  1. Parce qu’elles supposent une vague d’investissements
    (Grenelle : 450 milliards sur 10 ans)

  2. Parce qu’elles substituent du travail aux ressources
    Ex de l’agriculture biologique

  3. Parce qu’elle substitue une économie de la fonctionnalité à l’économie des biens matériels
    service de transports en commun, plutôt qu’achat de véhicules individuels

  4. Parce qu’elles supposent de développer une économie du recyclage, qu’on appelle également économie circulaire
    Développement des industries de démantèlement et de recyclage

 

Chiffres-clés / Economie sociale et solidaire

  • 2,3 millions de salariés (9,9 % de l’emploi en France)
  • 53,1 milliards d’euros de rémunération brute
  • plus de 100 000 emplois créés par an (20 % de la création d’emplois en France)
  • 215 000 employeurs (9,2 % du total des établissements)

(chiffres 2008, Conseil national des Chambres Régionales de l’économie sociale et solidaires)

Associations : 120 000 associations employant 1,2 à 1,4 million de salariés (46% en social/santé, 14% formation, 7% en culture/sport)

Coopératives : 21 000 entreprises coopératives employant 700 000 salariés (dont les banques, avec 200 000 salariés)

Mutuelles : 5500 mutuelles santé, avec 58 000 salariés ; 35 mutuelles d’assurance, avec 25 000 salariés

 

Les facteurs-clés de succès de ces initiatives

  • des hommes et des femmes qui s’engagent sur des territoires

  • une démarche ascendante pour une action s’appuyant avant tout sur les dynamiques et pratiques locales

  • une démarche horizontale qui mise sur le décloisonnement des politiques publiques et des thématiques

  • un soutien clair et durable des pouvoirs publics qui passe en premier lieu par la reconnaissance de l’utilité sociale et collective de ces initiatives : « L’ESS est une économie qu’on soutient car elle crée de la richesse pour le territoire et les femmes et hommes qui y vivent, pas une économie qui coûte ». « Une économie du lien plus que du bien ».

  • des moyens d’accompagnement, d’animation des acteurs et réseaux

  • une prise en compte du temps des projets (processus de maturation, recherche / développement)

  • un soutien à la création de lieux de coopération et de mutualisation ponctuels ou permanents

  • une ouverture aux coopérations avec les PME / TPE dites de l’économie traditionnelle dans une approche qui croise logique de filières et logique de territoire.

 

Quelques propositions « Projet 2012 »

Lancement d’un plan de développement de l’économie sociale et solidaire en France : « changer de cap, changer d’échelle, l’ESS au cœur d’une économie plurielle » :

  • reconnaissance, soutien et promotion de pôles territoriaux de coopération économique (PTCE – labellisation ?) – une dizaine sont référencés aujourd’hui grâce à l’action du Labo de l’ESS dans le cadre de la préparation des Etats Généraux de l’ESS qui auront lieu les 17, 18 et 19 juin au Palais Brognard : alternative aux pôles de compétitivité, du descendant à l’ascendant.

  • évolution du code des marchés publics vers plus de conditionnalité sociale et environnementale. Aujourd’hui, la commande publique c’est 15% du PIB dont seulement 3% sont soumis à ces critères.

  • Plus largement, intégrer la question de l’utilité sociale et environnementale dans les politiques publiques à partir des cinq dimensions suivantes : économique, sociale, environnementale, politique et territoriale : soutien à la recherche, évolution législative, expérimentation dans les régions, etc…

  • Reconnaissance et moyens pour des chambres consulaires devenant des chambres de l’économie plurielle intégrant les CRESS actuelles ou autres regroupements régionaux

  • Evolution de la fiscalité notamment / créateurs d’entreprises (souci / installation et notamment / pépinières d’entreprises ou incubateurs)

  • Vers des fonds souverains régionaux conditionnés à des critères sociaux et environnementaux / aide financière (prêt, garantie bancaire, investissement)

 

Autres mesures en vrac à creuser :

  • Question / label ESS ?? Cela renvoie pour moi à la question / utilité sociale et collective et à l’évaluation, du coup faut-il un label qui risque de figer les choses ?

  • expérimentation des monnaies sociales (solvabilisation de la demande sociale / services à la personne)

  • développement de l’épargne solidaire (livret d’épargne, carte bleue solidaire…)

  • création et reprise d’entreprises (droit de préemption sur les terrains en friches ou locaux industriels désaffectés

  • soutien à la mise en œuvre d’une certification publique / commerce équitable

  • enseignement/recherche/formation : aide à la mise en place ou à la généralisation de programmes dans l’enseignement secondaire et supérieur

Cela peut passer dès le début du mandat présidentiel 2012-2017 par l’élaboration et le vote d’une loi-cadre (envisagé par Hascoët en 2002).

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