Le thème des stupéfiants est de retour dans l’actualité, et il ne faut surtout pas le laisser aux mêmes pères ou mères la morale, toujours prompts à éviter le débat au fond pour l’instrumentaliser à des fins pas vraiment supportables. "Salles de shoot" d’une part, mais aussi cannabis d’autre part, je m’essaie ici à affirmer mes convictions en quelques mots.
Les fameuses "salles de shoot", d’abord. Avec Aïcha Bassal, maire adjointe à la santé à Nantes, je suis favorable à l'expérimentation de salles de consommation de drogue sous surveillance médicale. Et cela pour les mêmes raisons qu’elle : prévenir et à réduire les risques sanitaires, notamment en matière de contamination par le VIH ou l’hépatite C, ou encore de prévention des overdoses. Plutôt que de laisser se développer des commerces et trafics mafieux, plutôt que de laisser s’enfoncer dans des enfers sanitaires - et souvent sociaux et personnels – les toxicomanes, j’estime qu’il est de la responsabilité de la collectivité de les accompagner et de leur proposer des solutions de qualité.
Oui à l’expérimentation de salles de consommation
Bien sûr cela passera nécessairement par une expérimentation bien menée, dans un cadre juridique à déterminer. Et oui je fais partie des élus qui croient, qui savent, que les collectivités territoriales seraient les mieux à même de piloter cette expérimentation, pas seules mais appuyées au contraire de scientifiques et de professionnels de santé, pas apprentis sorciers mais encadrés par des protocoles précis, par une expertise médicale et éthique, par des comités de pilotage à la composition bien pensée.
À la différence de la vieille Droite, je refuse qu’on nous ramène toujours, dans le cadre de ce débat précis, à la fameuse accusation de laxisme ; qu’on veuille faire croire que ces salles de consommation encadrée aient quoi que ce soit à voir avec un "coffee shop"… Tout cela simplement pour saisir encore une fois l’occasion de prises de position sécuritaires… qui ne s’entendent que pour de basses raisons populistes. Alors même que la vraie question est tout simplement de l’ordre de la santé publique.
Pour une légalisation du cannabis…
Autre stupéfiant, autre sujet : le cannabis. Bien sûr, le stupéfiant lui-même, ses pratiques de consommation, ses risques… n’ont rien à voir avec les drogues qu’on évoque avec les "salles de shoot". Mais les thématiques se rassemblent en ce qu’elles permettent de tracer une vraie ligne de partage idéologique. Oui, je suis favorable à une certaine dépénalisation de la consommation du cannabis, et là aussi parce que je refuse fermement qu’on se résolve à seulement des réflexes sécuritaires. Et oui, plus loin encore, je suis pour la création d’une législation complète qui envisagerait le problème dans son ensemble : consommation, production, commerce, accompagnement sanitaire… C’est d’ailleurs le propos que je tenais dans une tribune publiée en 2002, que je me permets de vous proposer ci-dessous.
"Depuis quelques mois, les médias (référence à un dossier du Monde du 17/01/2002), le gouvernement (un débat parlementaire sur ce sujet est demandé par Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé) et la société civile abordent le sujet…
Des dizaines de millions d'euros ont été dépensés pour la répression, et ils ne sont pas venus à bout des choix qu'adoptent de nombreux jeunes et adultes quant à la consommation du cannabis. Les réponses données par la police et la justice ont engendré l'interpellation de 94 300 personnes pour usage ou revente de stupéfiants en 2000 (chiffres de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies). Dans neuf cas sur dix, il s'agit seulement de « fumeurs de joints ». Dans la majorité de ces cas, ces procédures se soldent par une absence de poursuites. L'Observatoire parle même d’"effet d'entonnoir", car ces dossiers encombrent les commissariats et les palais de justice.
La législation actuelle est complètement inefficace. La loi de 1970, qui proscrit le simple usage du cannabis, a aggravé la situation qu'elle devait prévenir en entraînant le développement d'un marché noir gigantesque et incontrôlable. Nous savons que l'usage du cannabis est très répandu. Il fait maintenant partie des moeurs, et provoque moins de ravages que d'autres substances autorisées comme l'alcool et le tabac : " Alors que d'autres pays - Belgique, Canada, Hollande, Suisse, Espagne, Portugal, Allemagne - font évoluer leur législation en la matière, il y a urgence pour une nouvelle législation en France.
Pas seulement dépénalisation, la légalisation
La dépénalisation offrirait l'avantage de diminuer les contrôles policiers abusifs et permettrait la consommation de cannabis. Par contre, elle n'entraînerait ni contrôle de la qualité, ni amélioration des circuits de distribution. Une légalisation, soutenant l'auto-production de cannabis et le commerce équitable avec les pays producteurs, serait la solution la plus cohérente.
Ainsi la légalisation pourrait décriminaliser des millions de consommateurs, désengorger les prisons et intégrer le cannabis, au même titre que l'alcool et le tabac, dans les politiques de santé publique (information des usagers, interdiction de vente aux mineurs, d'usage au volant, utilisation dans le domaine médical pour le traitement de maladies graves…). Des bénéfices indéniables qui ne peuvent être indéfiniment ignorés, surtout au regard des effets pervers du couple prohibition répression. Privilégions la modération plutôt que l'interdiction.
Il est temps de remplacer la guerre contre la drogue par la lutte civile contre l'abus des drogues. Dans son éditorial du 17 janvier 2002, Le Monde écrivait: "Prenant en compte les lourdes conséquences sanitaires de la consommation du tabac et de l'alcool, responsables respectivement de 60 000 et de 45 000 décès annuels, et relativisant les dangers liés à la consommation du cannabis, des travaux scientifiques sont venus conforter la vision suivante : idée de classifier les drogues selon leur dangerosité, et non plus en fonction de leur caractère licite ou non… "